On raconte, il y a longtemps, très longtemps qu’une maladie inconnue (la variole) a envahi la Mongolie. Les hommes dépérissaient. Ils étaient tellement atteints par cette maladie que l’on ne voyait plus la fumée des yourtes monter vers le ciel bleu, car il n’y avait plus personne capable de nourrir le feu. Tous ceux qui n’étaient pas malades et qui pouvaient marcher, ont fui dans l’immensité de la steppe, emportant avec eux et sans le savoir la maladie mortelle dans les vallées les plus refoulées.
Tarwaa, un garçon d’environ quinze ans était le seul rescapé d’une tribu qui avait vécu dans les collines ouest. Triste et désespéré, il se retrouve un jour devant la yourte délaissée, trop faible pour chercher quoi que ce soit pour se nourrir.
» Pourquoi est-ce que mes parents, mes frères et mes sœurs m’ont laissé tout seul au monde ? « se demandait-il en pleurant sans cesse. Déprimé, à bout de forces, il tombe sans connaissance.
Alors son âme quitte son corps et se met en route vers le pays des morts. Etonné, Erlik Chaan, le roi des morts dit en voyant l’âme :
» Pourquoi es-tu là ? Je ne t’ai pas appelé, ton temps n’est pas encore venu ! » L’âme a soupiré.
» Le jeune homme auquel j’appartiens se lamente et se plaint tout au long du jour car l’épidémie a Ravagé toute sa famille et qu’il est tout seul. Je ne peux plus voir ce pauvre gars qui ne désire qu’une chose : la mort. C’est pour mettre fin à ses peines que je me suis sauvée afin de te demander grâce pour lui… »
Ces mots attendrirent le roi des morts et plein de compassion, il a répondu :
» Retourne dans le corps de ce jeune homme, il a encore bien des années à vivre. Mais puisque tu l’as quitté et pris en pitié, je vais te faire un cadeau. Tu choisiras ce que tu voudras dans mes trésors. »
Erlik Chaan avance à grands pas et l’âme le suit. Elle voit tout ce qui rend la vie des humains agréable ou difficile. Il y avait la richesse, la prospérité mais aussi la fraude et l’infortune. Le bonheur, le plaisir, les soucis et les larmes, les vices, la malchance, la musique, la danse et … les contes. L’âme du garçon n’a pas hésité, elle a choisi les contes. Le roi du pays des morts était d’accord mais avant de se quitter, il a rappelé à l’âme de ne plus jamais revenir sans être appelé.
Arrivée auprès de Taarwa toujours évanoui, l’âme a découvert que les corbeaux lui avaient déjà picoré les yeux. Etait-elle revenue trop tard ? Déconcertée, l’âme en peine planait au-dessus du corps inerte, puis, se rappelant ce qui lui avait dit Erlik Chaan elle ra mine le garçon.
Sochor Taarwa ou Taarwa l’aveugle comme on l’a appelé à partir de ce jour, a été trouvé par un cavalier qui l’a emmené dans sa yourte. Taarwa a commencé à raconter des histoires, des contes et des légendes et il rendait heureux tous ceux qui l’écoutaient. Aucun autre comme lui était capable de parler des espoirs et des peurs des hommes, de leurs soucis et de leur joie. Ses histoires allaient de bouche à oreilles, toujours un peu plus riches, un peu plus colorées et c’est ainsi qu’elles sont devenues le trésor du peuple et c’est ainsi aussi que les Mongols ont reçu leurs contes…
Merci du coeur à Inge von der Crone pour la transmission de ce conte traditionnel